L’automobile en Île-de-France : défis et enjeux d’une filière en mutation

L'Institut Paris Region

Économie, Transports

juin 2019

L’Île-de-France est, et reste, le principal territoire automobile français malgré l’effet conjugué d’une internationalisation de la production de véhicules des constructeurs français et l’impact important de la crise de 2008 qui a particulièrement touché ce secteur. Ces phénomènes ont conduit à une réduction de près d’un tiers de ses effectifs depuis cette date. Si les statistiques officielles identifient 40 000 emplois dans le secteur automobile, notre évaluation de cette filière, incluant l’ensemble des établissements des constructeurs, équipementiers et des nombreux fournisseurs industriels ou de services technologiques qui concourent à la filière, porte ses effectifs à 73 000 personnes employées par plus de 1 600 établissements.
Les deux constructeurs français, l’alliance Renault-Nissan et le groupe PSA, structurent la filière francilienne dont ils constituent la majorité des effectifs (57 %) et marquent le territoire de leurs très grands établissements. De leur côté les équipementiers (Valeo, Faurecia mais aussi de nombreuses entreprises étrangères comme Continental, Visteon, Bosch) représentent 13 % des effectifs de la filière. Au total les acteurs du coeur de la filière emploient 70 % des effectifs de la filière au sein de leurs centres de R&D, sièges et sites de production. Les activités des acteurs franciliens du coeur de la filière sont particulièrement spécialisées dans la conception avec 50% de leurs effectifs, 30 % travaillent au sein de leurs sièges ou sites administratifs et les 20 % restant sont dans des unités de production. Le tissu de sous-traitants industriels représente quant à lui près de 20 % des effectifs (14 000 emplois directement liés à la filière automobile) et 900 établissements. Nous estimons qu’en moyenne l’automobile représente 46 % du chiffre d’affaires de ces fournisseurs industriels. Enfin la présence d’un important tissu de bureaux d’études, tant de taille internationale que plus modeste, représente un atout important pour la filière qui s’appuie davantage sur ces acteurs, en leur confiant des missions toujours plus complexes.
Par ailleurs, la filière bénéficie de l’action de structures, de la présence d’équipements et du soutien des territoires qui aident les acteurs à faire face aux nouveaux enjeux. L’action du pôle de compétitivité Moveo qui lui est dédié, complété par le réseau automobile RAVI, a permis à la filière de développer la recherche collaborative et de mieux se structurer. Par ailleurs, d’autres pôles de compétitivité comme Systematic ou Cap Digital participent de manière croissante à l’avenir de la filière automobile.
En plus de moyens propres à chaque acteurs, la filière s’appuie aussi sur la présence de deux complexes d’essai qui incluent des pistes d’essai de tout type et toutes longueur. Ces équipements sont régulièrement utilisés pour réaliser des tests et des homologations. Leur rôle s’est accru avec l’émergence du véhicule autonome et le besoin de tests nombreux.
La filière est fortement challengée par le renforcement des normes environnementales avec l’abaissement continu des seuils d’émission de CO2 avec pour horizon le zéro émissions. Une des principales réponses à cet enjeu réside dans le développement de nouvelles motorisations peu ou non émettrices (notamment l’électrification du véhicule) mais pour lesquelles les acteurs historiques et notamment français ne sont pas les mieux placés. L’autre évolution majeure porte sur l’autonomisation croissante du véhicule avec, là aussi, un horizon vers un véhicule totalement autonome. Cela implique à la fois une connectivité accrue des véhicules et l’introduction de nombreux équipements dont des capteurs générant une masse de données, le tout géré par des intelligences artificielles (IA). Là encore les acteurs traditionnels de la filière n’ont pas la maîtrise de ces technologies et se voient fortement challengés par les acteurs du numérique avec pour risque de se faire marginaliser.
Enfin, parallèlement, émergent de nouveaux usages et attentes du public avec le co-voiturage, l’auto-partage et plus généralement une attente vers des services de mobilité, domaines qui dépassent largement le périmètre d’activité historique des acteurs de la filière automobile. Ces derniers cherchent à adresser tous ces challenges à la fois et tentent de faire évoluer leur modèle économique de la fourniture de véhicules à celle de solutions de mobilités. Nous sommes à la croisée des chemins et l’avenir reste encore très incertain pour les acteurs. C’est l’objet de l’action des collectivités territoriales de les accompagner en réduisant cette incertitude. Celles-ci soutiennent fortement la filière par exemple en favorisant le développement de clusters spécialisés comme le cluster véhicule autonome à Versailles-Satory, ou les tests en voirie des véhicules autonomes.
Au-delà des actions déjà existantes ce rapport propose une série de pistes dont les principales portent sur :
Mieux coordonner les actions des pôles de compétitivité qui interagissent avec la filière, avec les nouveaux enjeux de l’autonomisation des véhicules et des nouveaux usages. De même adopter une approche hybride technologique / filière dans l’action régionale afin de mieux tenir compte de ces nouvelles contraintes technologiques. Structurer et identifier un pôle du véhicule du futur autour d’un lieu emblématique. Mieux coordonner les expérimentations menées à l’échelle des territoires et favoriser la mutualisation des retours d’expérience. Mettre en place des actions destinées à développer l’usage des véhicules du futur (incitations à l’installation de bornes de recharge, accès privilégiées à des zones de basse émission, voies dédiées…), ce qui peut aussi passer par la commande publique. Aider la filière à aller vers plus de circularité en favorisant la structuration et la professionnalisation des filières de recyclage des VHU et de leurs composants, avec par exemple l’émergence de la réparation et de la re-fabrication et en amont inciter à l’éco-conception. Pérenniser les sites industriels en veillant à conserver une bonne qualité de desserte et d’une manière générale en réduisant la contrainte qui pèse sur le foncier industriel. S’appuyer sur les campus des métiers existants et la mise en place d’actions de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences sur les territoires pour anticiper les grandes évolutions des métiers de la filière en termes de reconversion et de formation initiale.

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