Données numériques et gestion locale de la sécurité
février 2018
Le numérique investit tous les domaines de la société y compris la prévention de la délinquance et de la sécurité publique
À l’ère de la « société de l’information », le développement des outils informatiques impacte la gestion des politiques locales. Dans le champ de la prévention de la délinquance et de la sécurité publique, la production de données numériques se diffuse dans l’objectif d’améliorer la connaissance des phénomènes de délinquance et l’efficacité des réponses. Si traditionnellement, les services de police et de gendarmerie nationales produisent des statistiques sur l’insécurité, les acteurs locaux (collectivités territoriales, bailleurs sociaux, opérateurs de transport) sont également amenés à produire des chiffres en la matière. Plus ou moins sophistiqués, leurs outils permettent, le plus souvent, de réaliser des traitements statistiques, et plus rarement, des représentations cartographiques. À partir d’une enquête exploratoire, cette étude de l’IAU a pour objectif de rendre compte des modes de production et de la diversité des usages des données produites à l’échelle locale.
Pour les agents de terrain, la production de données officialise leur mission dans le champ de la sécurité
Ce sont principalement les agents de terrain des organismes, en contact permanent avec le public (gardiens d’immeuble, médiateurs urbains, chauffeurs de bus, etc.) qui sont mobilisés pour signaler l’ensemble des troubles et délits qu’ils constatent. Recouvrant un large spectre, ces faits sont qualifiés selon les prérogatives de chacun. La sensibilisation des personnels aux enjeux de sécurité et leur mobilisation sont nécessaires au bon fonctionnement des outils. Leurs mises en place sont, néanmoins, différemment vécus par les agents : certains s’en inquiètent, d’autres se sentent professionnellement valoriser. En outre, peuvent apparaître des tensions entre leurs missions professionnelles et le territoire où ils exercent. Dans tous les cas, la production de données officialise leurs missions dans le champ de la sécurité. Dans la transmission de l’information, les agents de terrain sont ainsi des acteurs de premier plan. Des enjeux d’appropriation se posent et impactent directement la production de données.
L’engouement pour les techniques de prévention situationnelle reflète une évolution des orientations des politiques publiques de prévention de la délinquance depuis plusieurs décennies
Par ailleurs, la production de chiffres sur l’insécurité renforce le paradigme de la prévention situationnelle. Ils traduisent l’intérêt porté aux victimations et aux conditions environnementales du passage à l’acte délinquant. Dans cette perspective, l’analyse de la délinquance s’effectue au travers des points chauds (hotspots) et les causes du passage à l’acte sont recherchées dans sa dimension géographique. La gestion apparaît ainsi comme un premier niveau de réponse pour les acteurs locaux, qui visent à créer les conditions propices à une ambiance urbaine pacifiée. Les données sont aussi un moyen pour tendre vers davantage d’efficacité, en termes de réactivité des services et de management des personnels. Elles sont utilisées pour opérer des choix en matière de sécurisation : installation de caméras de surveillance, dispositif de médiation sociale, recours à des agents de sécurité privée, etc. Elles sont un indicateur pour piloter la politique de sécurité.
Enfin, la multiplication des outils de mesure de l’insécurité laissent entrapercevoir des effets de superposition et des difficultés d’homogénéisation au niveau local. À l’heure du développement des logiciels de predictive policing, ces outils interrogent le registre d’intervention des acteurs en charge de la prévention de la délinquance, et plus globalement, témoignent de la place centrale des sciences et des techniques dans les politiques publiques de sécurité.
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